Plus de trams dans le pré-métro, une fausse bonne idée

Publication date
27.03.2023

La STIB a examiné en profondeur la proposition PréMétro+ présentée comme alternative à la construction du métro 3. Cette alternative ne rencontre pas les objectifs poursuivis par le projet M3 et permettrait au mieux une petite augmentation de la capacité pour à peine 10 ans. Par ailleurs cela demande d’importants investissements pour un résultat qui est loin d’être garanti. Explications.

 

Deux lignes de tram empruntent actuellement le tunnel de pré-métro entre la Gare du Nord et Albert : les lignes chrono 3 et 4. Pour rappel, la ligne de tram 3 sera remplacée en partie par le futur métro 3, qui sera prolongée jusqu’à Evere, en passant par Schaerbeek. 

 

La plateforme Avanti, qui réunit plusieurs associations, propose un schéma d’exploitation alternatif à la transformation de cet axe en métro, avec des lignes prolongées et le rajout d’une troisième ligne dans le tunnel existant. Si le plan propose des avantages, il comporte également des inconvénients pour les utilisateurs des transports publics. Le risque de dégradation de l’offre actuelle, déjà problématique, est sérieux et certain. De plus, la proposition n’apporte pas de solution à long terme aux problèmes de capacité rencontrés sur l’axe Nord-Sud

Une régularité moins bonne 

La proposition combine plusieurs lignes de trams circulant à la fois en surface et en tunnel, tout et rallongeant leurs itinéraires. Or des lignes plus longues sont davantage exposées aux aléas de la circulation en surface (temps d’attente aux carrefours, conflits avec d’autres modes, risques d’accidents, déviations pour travaux, livraisons….). Une réalité qui empêche d’assurer une régularité des véhicules acceptable pour les voyageurs. L’impact pourrait sembler gérable pour une ligne 4 prolongée jusqu'à Esplanade, et à la limite pour un tram 3 couplé avec la ligne 7. Ceux-ci circulent sur des tracés majoritairement en site propre et équipés de systèmes de télécommande des feux. Néanmoins, la réalité montre déjà aujourd’hui que malgré ces aménagements, ces lignes ne sont pas à l’abris d’imprévus. En effet, il n’est pas toujours possible d’assurer en heure de pointe la fréquence de 2minutes 30 telle que programmée. Mais que dire de la ligne de tram 55, qui ne bénéficie pas de tous ces aménagements et est une ligne nettement plus lente et moins fiable que les lignes chrono. Ce chaînon faible créera à coup sûr un effet domino sur la régularité des lignes 3 et 4, dégradant le service pour les voyageurs d’une grande partie de la Région.

 

Une autre faiblesse est que la ligne 55 ne peut pas être à ce jour exploitée avec les trams les plus longs (T4000). Cette limite capacitaire rend l’exploitation moins attractive. Les trams plus petits seront logiquement plus chargés quand ils passeront dans le pré-métro. Il leur faudra plus de temps pour décharger et charger les voyageurs. Ils perdront encore davantage de temps. De plus, les voyageurs devront être très attentifs et choisir le bon côté du quai, pour ne pas se trouver sur une partie du quai qui n’est pas desservie par les trams plus courts…

 

Il serait possible d’améliorer la fluidité du parcours de la ligne 55 pour permettre l’utilisation de trams plus longs et réduire ses temps de parcours. Toutefois cela nécessite des investissements considérables et plusieurs années de travaux pour une amélioration qui sera de toute façon moindre que celle offerte par le métro.  Le tracé resterait très sinueux et continuerait à traverser des quartiers denses. La vitesse commerciale ne serait donc jamais comparable avec celle de la ligne 4 par exemple.  Au final, le gain d’efficacité ne serait que de très court terme pour un budget qui resterait impactant.
 

Un croisement de lignes à Lemonnier encore plus complexe

La régularité restera également compromise à cause du croisement avec les lignes de tram 51 et 82 dans le tunnel Constitution entre la Gare du Midi et Lemonnier. Dans la configuration actuelle, il y a 88 mouvements de trams par heure à cet endroit stratégique. Les trams y roulent à vitesse réduite et doivent s’arrêter souvent entre les deux stations pour donner priorité à un tram qui croise la ligne. La proposition Prémétro + augmente le nombre de mouvements à 110 trams/heure. Vu les limites de cette infrastructure, cette augmentation des croisements va multiplier les embouteillages de trams et provoquer des ralentissements en cascade sur plusieurs lignes. La suppression de ces croisements est l’un des principaux avantages de la construction de la nouvelle station Toots Thielemans et de son tunnel de contournement. Cette nouvelle infrastructure indispensable rendra l’axe Nord-Albert beaucoup plus robuste, fluide et efficace. 

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Schéma Lemonnier Constitution

Besoin de plus de trams et d’un dépôt supplémentaire

Si nous voulons injecter plus de trams dans le pré-métro, cela a également des conséquences sur le reste du réseau. Cela réduit les possibilités de réaliser des extensions du réseau tram à court terme. Il faut savoir que la conversion du pré-métro Nord-Albert en métro permettra de libérer 21 trams de grande capacité pour renforcer des lignes existantes ou en créer des nouvelles (Neder-Over-Heembeek, Tour & Taxi, Mediatram…). Le remplacement de la ligne 55 par un axe métro, comme prévu dans la deuxième phase du Métro 3, pourrait libérer 19 autres trams. Au total ce sont 40 trams qui deviennent disponibles pour assurer une meilleure desserte ailleurs grâce au Métro 3. 

 

Avec la proposition Pré-métro+, il faudrait non seulement conserver ces 40 trams sur l’axe nord-sud mais en plus en ajouter entre 8 et 10 trams supplémentaires pour exploiter notamment la ligne 55 prolongée. A moyen terme ce sont donc plus ou moins 50 véhicules qui ne peuvent pas servir pour des extensions du réseau ou pour augmenter la capacité/les fréquences sur des lignes existantes. 

 

On peut évidemment imaginer une commande de trams supplémentaires, mais cela demande des moyens supplémentaires et nécessite plusieurs années (cahier des charges, procédure de marché, livraison, tests techniques…). De plus, il faudrait prévoir un dépôt tram supplémentaire, parce que les dépôts existants sont saturés. Un dépôt peut héberger +- 50 véhicules. De nouveau, des investissements seront nécessaire et cela prendra du temps (acquisition de terrain, permis d’urbanisme…).

Une augmentation de capacité théorique à très court terme

La plateforme Avanti promet une augmentation de la capacité de l’ordre de 36% grâce à sa proposition. En théorie il serait possible d’augmenter la capacité offerte en rajoutant des véhicules supplémentaires dans l’infrastructure existante. Mais cela va surcharger le tunnel et du coup cette nouvelle offre sera compromise par des problèmes d’irrégularité. Ces places supplémentaires ne seront pas 100 % exploitables si les voyageurs sont confrontés à des embouteillages de trams. Le premier tram qui vient soulager un quai bondé sera surchargé, mais le troisième ou le quatrième tram ne seront pas tout à fait remplis. Dès lors, dans la réalité, les voyageurs n’auront certainement pas l’impression que la capacité de l’axe a été renforcé, au contraire. 

 

Même si on trouvait une façon de cadencer parfaitement les lignes et que l’augmentation de la capacité était réelle,  cette offre supplémentaire serait compensée par la croissance des voyageurs dans les 10 ans qui viennent. Cela pose un sérieux problème vu que le modèle proposé ne donne aucune marge de manœuvre pour augmenter l’offre sans faire des travaux et des investissements considérables. Est-ce que nous allons reconsidérer le Métro 3 à ce moment-là? Nous aurons perdu 10 ans alors que nous savons que ce genre de projet met du temps à se concrétiser. 
 

Conclusion

La proposition Pré-Métro+ ne pourrait pas du tout répondre aux défis de l’axe Nord-Albert même avec des investissements importants. L’exploitation de l’infrastructure existante a atteint ses limites, et toutes les études recommandent une adaptation du tunnel et des stations, comme déjà prévu depuis les années 1970, pour accueillir des véhicules beaucoup plus capacitaires. Cela reste la seule façon d’offrir une réelle amélioration de l’offre et de la qualité du service pour nos voyageurs.