Le projet Métro 3 au Congrès mondial des tunnels 2020

Publication date
24.09.2020

Pour cette 46ème édition basée sur « l’innovation et le souterrain durable au service de la connectivité mondiale », le projet Métro 3 faisait partie des 200 projets sélectionnés pour être présenté aux professionnels lors du congrès mondial des tunnels, le World Tunneling Congress. Une belle reconnaissance pour BMN, le bureau d’études du projet.

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Laurence Delplace & Morgan Laitat

Les études d’extension du métro 3 vers le nord se poursuivent depuis plusieurs années et Beliris a mandaté à cet effet le consortium d'architectes et de bureaux d'études BMN. Les études ont débuté par une étude d'opportunité, une étude de faisabilité technique, mais aussi les études d'un avant-projet qui a été traduit dans les demandes de permis actuelles. L'étude indépendante d’incidences sur l’environnement pour  l'extension nord du métro 3 bat actuellement son plein, mais parallèlement, des études techniques détaillées du projet sont déjà en cours pour bien préparer la réalisation de cette structure complexe.

 

Le congrès mondial des tunnels, c’est le rendez-vous des ingénieurs, chercheurs, universitaires, technologues et spécialistes des tunnels et souterrains. Alors, quand votre article est sélectionné pour une présentation mondiale, c’est un peu une consécration mais surtout une reconnaissance du travail effectué et de votre expertise dans le milieu.

 

Laurence Delplace et Morgan Laitat, auteurs de l’article et ingénieurs au bureau d’études du groupement BMN, nous expliquent leur article et nous en disent plus sur les techniques de construction utilisées pour l’extension du futur métro 3 entre Gare du Nord et Bordet.

 

Pourquoi, parmi tous les projets à l’étude dans vos bureaux, avez-vous  sélectionné le projet Métro 3 pour votre article de référence à présenter au congrès mondial ?

 

Laurence Delplace : Amberg Engineering qui est un bureau d'études spécialisé dans les tunnels, participe chaque année à ce Congrès. C'est un peu le rendez-vous annuel. Cette année, nous voulions mettre en avant le métro de Bruxelles pour son caractère urbain, dans le centre de la Capitale Européenne. Nous avons donc contacté notre partenaire Sweco pour rédiger un article technique sur le projet Métro 3 de Bruxelles. Notre client Beliris était également fort emballé par l'idée et nous a soutenu dans la démarche.

 

Morgan Laitat : L’avantage de notre réponse commune a été de ne pas focaliser l’article uniquement sur le tunnelier. En effet, même s’il s’agit d’une méthode de construction ambitieuse, de nombreux et récents retours d’expérience sur cette méthode existent grâce aux travaux réalisés à Paris, à Copenhague ou encore en Malaisie ou au Japon. Nous souhaitions donc aussi mettre en avant les méthodes de mise en œuvre retenues pour les stations et l’ouvrage à Gare du Nord, basées sur des techniques utilisées moins souvent. C’est ce qui a nous démarqué des autres articles et qui nous a permis d’être sélectionnés pour participer activement au congrès.

 

Que vous apporte ce type de participation ?

 

L.D : Je travaille sur ce projet depuis plus de 7 ans et Morgan qui a rejoint l'équipe plus récemment est aussi extrêmement investi sur ce projet. Cette sélection mais surtout l’invitation à présenter notre article sont une reconnaissance. Ce congrès mondial, c’est l’endroit où se retrouvent tous les experts du domaine. Malheureusement, avec le Covid, nous n’avons pas pu nous rendre sur place mais la conférence s’est tenue virtuellement.

 

M.L : C’est une reconnaissance pour le travail colossal fourni par l’ensemble de l’équipe qui s’est adjoint au fur et à mesure de l’étude des expertises complémentaires et est arrivée à un niveau d’expertise de haut niveau en Belgique sur ce type de mise en œuvre et de conception. C’est la reconnaissance de nos pairs à concevoir et à justifier techniquement la mise en œuvre des ouvrages de demain.

 

En savoir plus : la présentation de Laurence et Morgan pour le Congrès mondial des tunnels 2020.

 

Dans l’article vous expliquez pourquoi vous avez sélectionné une configuration de tunnel en un seul tube pour la construction du tunnel. Pourriez-vous nous l’expliquer brièvement ?

 

L.D : Dans les premières phases du projet, nous avons réalisé une étude comparative des différents types de géométrie des tunnels : le monotube, un tunnel de +/- 10 mètres de large avec deux voies parallèles à l’intérieur, le bitube, deux tunnels parallèles avec chacun une voie de 7 mètres de diamètre, et enfin un tunnel plus large de 13 mètres de diamètre avec des voies superposées.

 

Sur base de critères techniques, socio-économiques, opérationnels, budgétaires et de planning, nous avons recommandé la variante la plus intéressante pour le projet. Ainsi, il ressortait de l'étude que, sur base des contraintes propres à notre projet, le monotube est la technique la moins chère et la plus facile à mettre en place. L’aspect géologique a été un argument important dans ce choix. Mais également le nombre de parcelles concernées et la flexibilité du fonctionnement : le fait que les métros puissent se croiser ou changer de voies dans le tunnel a été décisif. D'autant que le bitube ne présentait pas des avantages décisifs en termes de tassement. Ainsi, après de longues études, c’est le monotube qui a été recommandé.

 

En savoir plus : Les recommandations du bureau d’études BMN sont actuellement examinées dans le cadre d’une étude d’incidences sur l’environnement approfondie et indépendante menée par le bureau d’études ARIES-TRACTEBEL.

 

Quelles sont les spécificités que vous avez dû prendre en compte ?

 

L.D : Les investigations géologiques ont démontré une géologie tendre avec un terrain meuble présentant de l’argile sableux ou du sable argileux ainsi qu’un niveau d’eau relativement haut. Tout le projet, du tunnel aux stations, a été dimensionné sur base des résultats des investigations géologiques et donc de l’état de la géologie et prend en compte tout le bâti de surface.

 

 Notre objectif était de concevoir un transport complémentaire pour la population en respectant le bâti existant et les citoyens.

Morgan Laitat, chef d’équipe en charge des stations chez Sweco

 

Dans votre article vous évoquez justement l’importante densité urbaine du site qui ne permet pas la mise en oeuvre de solutions classiques.

 

L.D : Les solutions classiques pour la construction des stations reviennent à créer un volume souterrain – une ouverture - depuis la surface. Cela convient particulièrement lorsque les voiries sont très larges, comme c'est le cas à Paris. Or, en Belgique, et particulièrement dans les communes de Schaerbeek et d'Evere le bâti est très dense et les voiries très étroites. Si on voulait faire des creusements traditionnels en surface, le « cut and cover », il faudrait imaginer détruire beaucoup de bâtiments en surface.

 

M.L : La méthodologie dite « classique » a été, par exemple, retenue pour réaliser la jonction nord-midi, où avec le bulldozer, les bâtiments ont été rasés pour modifier les surfaces et la Ville défigurée. Au XXIe siècle et en particulier pour le projet Métro 3, notre objectif était de concevoir un transport pour les gens en respectant le bâti, les contraintes des différents sites de construction et la Ville.

 

L.D : C’était même plus que notre objectif car le gouvernement a vraiment marqué en tout début de projet ce souhait fort d’exproprier et de démolir le moins possible. Ce respect du patrimoine était vraiment une des données principales du projet.

 

M.L : L’idée était donc de fournir un mode de transport complémentaire pour les citoyens mais pas de modifier fondamentalement l’esthétisme de la ville ou son fonctionnement sur base de ce transport. Ce défi nous a demandé de redoubler de créativité toute en garantissant sa robustesse et sa faisabilité.

 

Le tunnelier est une technique maîtrisée et très utilisée ces 30 dernières années sur des projets d’envergure en Europe, en Asie et en Amérique (du Nord et Latine)

Laurence Delplace, cheffe de projet adjointe, spécialisée dans les tunneliers chez Amberg Engineering

 

Quel est finalement le plus grand défi technique de ce projet ?

 

L.D : De nombreux tunnels en milieu urbain ont été construits. A Paris, ce sont des centaines de kilomètres de nouveaux tunnels qui ont été ou seront creusés avec le tunnelier. Cette technique est maîtrisée et utilisée partout dans le monde. Il est clair que le respect des tassements sera un gros défi au niveau du tunnel, mais le vrai défi concernera plutôt les stations. Nos équipes ont vraiment dû redoubler de créativité sur cette partie technique.

 

M.L : Dans la plupart des cas classiques, l’emplacement est suffisamment grand pour construire toute la station. En l’occurrence, ici, nous n’avions qu’un quart ou un tiers de surface disponible. De plus, avec une géologie compliquée et des niveaux d’eau très hauts dans le sol, il a fallu faire un gros travail de conception pour pouvoir combiner sécurité, étanchéité, stabilité et fonctionnalité pour le creusement et la réalisation des stations.

 

L.D : Les techniques en elles-mêmes ne sont pas innovatrices mais c’est la combinaison des techniques utilisées qui est assez innovante et spéciale. 

 

M.L : Toutefois, l’ensemble des techniques choisies ont été mises en œuvre dans des projets similaires, avec des retours d’expérience sérieux.

 

L’ouvrage réalisé à Gare du Nord, est-il aussi un défi technique ?

 

L.D : Oui, dans le sens où on a douze voies en surface qui vont rester en exploitation permanente pendant la réalisation des travaux sous les voies. Le contexte est donc un défi mais la méthodologie est quelque part plus classique.