Copier la nature pour construire des métros

Publication date
08.08.2022

Depuis plus d’un milliard d’années, vit dans la nature un organisme unicellulaire extraordinaire : le physarum polycephalum. Ni plante, ni animal, ni champignon, il rampe et évolue dans nos forêts. Différents chercheurs scientifiques l’étudient depuis plusieurs années. L’une de ses spécificités, la création de réseaux, les intéressent particulièrement. Ingénieurs et architectes pourraient ainsi s’en inspirer pour la construction de futurs métros !


Mieux connu sons le nom du blob, le physarum polycephalum appartient au règne des amibozoaires. Il est souvent jaune mais peut-être bleu ou rouge. Il s’agit d’une cellule géante composée de millions de noyaux. On le trouve assez facilement dans la nature : sous les feuilles mortes ou les écorces des arbres, dans les composts.


Bien qu’il ne soit pas un animal il est exposé au zoo de Vincennes (Paris) depuis octobre 2019. Et grâce à sa célébrité, sa définition se trouve depuis 2021 dans le Larousse.

Pourquoi le blob fascine-t-il autant ?

Les scientifiques qui l’étudient lui ont trouvé des capacités incroyables. Quelques exemples :

  • Il grandit très vite et peut atteindre une taille démesurée, plusieurs mètres carré ;
  • Il peut apprendre et transmettre ses apprentissages même s’il n’a pas de cerveau
  • Il perçoit le stress de ses congénères ;
  • Il peut résoudre des problèmes comme sortir d’un labyrinthe
  • Il est potentiellement immortel et peut même rajeunir…


Plus simplement, le blob est aussi nécessaire à l’écosystème des forêts et sous-bois. Il mange des bactéries, des champignons et les recycle en nutriments utilisés ensuite par les plantes.
 

Sa spécificité : la création de réseaux 

Le blob construit des réseaux assez complexes mais aussi flexibles, malléables et extrêmement optimisés. Ce qui intéresse les scientifiques, c’est le réseau de veines formé quand il bouge. Celui-ci peut se révéler aussi performant que des réseaux construits par les hommes. Ainsi, en 2010, le professeur Toshiyuki Nakagaki de l’université de Hokkaido au Japon, a démontré que le blob pouvait faire mieux que le réseau ferroviaire japonais.


Voici en gros l’expérience : sur une carte représentant le Japon, on dépose des flocons d’avoine, nourriture favorite du blob, à l’emplacement des villes. On met ensuite le blob à l’emplacement de Tokyo, la capitale du pays. Le blob va rejoindre ses sources de nourriture de la manière la plus efficace possible. Les scientifiques regardent alors quel réseau il a formé pour rejoindre toutes ces « villes ». Comparé au réseau ferroviaire créé par les Japonais depuis plus de 50 ans, le réseau formé par le blob s’est avéré plus efficace !

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blob Japon

Biomimétisme et planification urbaine

Des chercheurs de l’université de Toronto  pensent aujourd’hui que la structure organique efficace du blob pourrait servir de modèle pour l'optimisation d'autres réseaux, y compris ceux conçus pour le transport des personnes et des marchandises dans une ville. "Les humains ne sont pas les seuls à devoir relever le défi de concevoir des réseaux efficaces et résilients", explique Raphael Kay de l'Université de Toronto. "Le blob vit depuis des centaines de millions d'années, donc en ce sens, il est bien plus expérimenté pour résoudre certains problèmes architecturaux que nous, les humains, ne pourrons jamais l'être."


Raphael Kay et Anthony Mattacchione ont créé un modèle informatique qui imite la façon dont les blobs construisent leur réseau et qui s'adresse explicitement aux architectes et aux urbanistes. L'équipe envisage de mettre le modèle à la disposition de tous ceux qui souhaitent l'utiliser, sur la base d'un logiciel libre.

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blob-Toronto

Pour tester leur modèle virtuel, les chercheurs se sont notamment inspirés du métro de Toronto. "Pour le métro, le résultat le plus frappant est que pour un réseau offrant le même temps de trajet que le réseau réel, notre réseau était 40 % moins vulnérable aux pannes que le système existant."


Ces recherches pourraient être utiles pour donner des indications sur les meilleurs endroits pour ajouter des connexions et pour créer de nouvelles lignes. On pourrait aussi encoder la densité de population d’un quartier ou d’une ville réelle et faire déterminer par le programme informatique les réseaux qui pourraient servir au mieux la population.


Comme quoi la nature n’a pas fini de nous étonner et de nous inspirer !
 

Pour en savoir plus sur le blob :

« Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander», par Audrey Dussutour, livre de Poche


Video de Brut https://www.youtube.com/watch?v=W_FaOWZQdz0